(Re)certification B Corp : 5 choses que nous avons apprises
S’engager dans une démarche de certification B Corp, c’est comme gravir une montagne. On connaît la destination, mais on ne sait encore vraiment comment on va y arriver. Ni quand. C’est une aventure à la fois technique et d’introspection, qui demande de la rigueur, de la persévérance, et une bonne dose d’optimisme.
La première fois que nous avons été certifié B Corp, c’était en septembre 2017, il y a un peu plus de trois ans. On s’était engagés dans la démarche avec détermination et une certaine naïveté. On était décidés à nous challenger et revoir nos pratiques en profondeur. Car rejoindre le mouvement B Corp, c’est surtout ça : accepter de se questionner sans arrêt, même quand les sujets font mal, de se dépasser et de motiver son équipe à faire de même. Pour rester en avant de la cordée, incarner réellement le changement, il faut accepter de se dire qu’on n’est pas parfaits, qu’on pourra toujours s’améliorer et que rien n’est acquis.
Après trois ans de certification B Corp, le moment de la recertification est arrivé. Le B Lab nous avait prévenus : la première certification n’est pas facile, mais la seconde encore moins. Les exigences de B Corp sont montées d’un cran. C’est que le label évolue à grande vitesse, les exigences demandées aux entreprises augmentant au fur et à mesure que les leaders du mouvement ouvrent des voies et s’améliorent.
Pour tout avouer, on a eu un moment de doute. Est-ce qu’on serait capable d’atteindre le minimum de points requis pour atteindre la certification? Le doute est devenu encore plus grand quand le B Lab nous a informé que Credo faisait partie des 10% d’entreprises sélectionnées au hasard pour un audit en profondeur. Concrètement, ça voulait dire encore plus de documents à fournir, des entrevues avec des employé.e.s, plusieurs rencontres avec les représentantes du B Lab pour approfondir certaines questions. Ces nombreux échanges avec les deux femmes du B Lab en charge de notre audit ont poussé l’introspection à tout un autre niveau. Chaque question en amenait une autre, produisant un échange d’une richesse qualitative rare.
Aujourd’hui, nous sommes fier.e.s - et soulagé.e.s ! - d’avoir obtenu notre recertification B Corp. Nous sommes d’autant plus fier.e.s que nous avons amélioré notre score de plus de 15 points, pour atteindre un score de 109,1 points. Ce qui nous place véritablement à l’avant de la cordée.
Il faudrait écrire un bouquin si on voulait partager de façon exhaustive toutes nos réflexions, et tout ce que nous avons appris pendant ce processus de recertification B Corp. Mais il nous a semblé important de partager avec vous quelques-uns de nos principaux apprentissages.
5 choses que nous avons apprises
L’importance d’allier l’intention et la gouvernance
La vraie question qui se pose pour chaque initiative évaluée par le BIA de B Corp, c’est de savoir si on avait réellement l’intention de s’améliorer ou non. Il arrive parfois qu’on soit chanceux : en allant chercher une information ou une donnée demandée dans le BIA, on s’aperçoit qu’on n’est pas si mal. On pourrait s’en réjouir, puisqu’on obtient les points attribués. Mais, si on est honnête, il faut avouer que l’intention n’était pas vraiment là. Quelle différence ça fait ? La différence est subtile mais fondamentale car pour réellement s’améliorer, et mesurer cette progression, il est indispensable que les initiatives entreprises soient intentionnelles.
Or, pour arriver à plus d’intentionnalité, cela prend quelqu’un dans la haute direction qui pousse dans ce sens. Les initiatives requises par le BIA touchent tellement à la gouvernance de l’entreprise qu’elles ne peuvent être laissées à la seule responsabilité des employé.e.s en charge de la certification B Corp.
2. Pourquoi intégrer les KPI sociaux et environnementaux dans les pratiques
On ne peut plus se contenter de ne pas savoir. Si nous avons vraiment une intention d'avoir un impact positif - ou de réduire un impact négatif, il est indispensable d’aller chercher les informations ou les données qui permettent de mesurer cet impact. Si on n'arrive pas à les obtenir avec les indicateurs existants, il faut trouver des alternatives. Dans les deux cas, la mise en place de KPIs ou critères d’évaluation est primordiale. Plus encore, il est important d’intégrer ces KPI dans les objectifs et les responsabilités de chacun. C’est la seule façon pour qu’ils s’imprègnent dans les pratiques - et à terme, dans l’ADN - de l’entreprise.
Il faut aussi bien comprendre que c’est toujours plus simple de recueillir au fur et à mesure les données, plutôt que d’aller les chercher a posteriori, au moment de la certification B Corp.
Mais comment faire pour que tous les membres de l’équipe s’approprient ces KPI? Tout l’enjeu est là. Les KPI sociaux et environnementaux ne peuvent pas être connus uniquement de la personne qui répond au questionnaire Business Impact Assessment de B Corp. Il y a un grand effort de communication à faire en interne, à tous les niveaux de l’entreprise, pour que chacun et chacune puisse s’approprier la démarche B Corp.
L’intégration des KPI pose, évidemment, des enjeux de gouvernance. Par exemple, si l’évaluation des employé.e.s n’est basée que sur leur rentabilité, il est certain qu’ils et elles ne viseront que cet objectif. Là encore, une démarche B Corp ne saurait être mise en place sans un réel engagement de la haute direction, et a fortiori, des administrateurs et actionnaires s’il y a lieu.
3. Comment favoriser les fournisseurs indépendants locaux
Credo est une firme-conseil en impact social, donc une entreprise de services. C’est pourquoi les approvisionnements représentent une petite partie de notre budget global. Toutefois, force est de constater que ce petit budget est en grande partie composé d'entreprises technologiques qui ne sont pas locales. Gmail, Asana, Slack, Zoom, Trello, Linkedin, Squarespace…toutes ces plateformes technologiques sont possédées par des entreprises basées hors de nos frontières.
Nous avons pourtant bien rédigé une politique d’approvisionnement, dans laquelle nous nous engageons à favoriser les achats auprès de fournisseurs locaux et indépendants. Mais nous devons avouer que nous l’avons échappé sur ce point. Nous n’avons pas suivi notre politique d’approvisionnement à la lettre.
Il est certain qu’il n’existe pas toujours d’alternatives locales à ces plateformes technologiques. Mais il n’en demeure pas moins que ce point a suscité une question : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour favoriser les fournisseurs indépendants et locaux ?
Nous aurions pu, par exemple, prendre une plateforme de gestion de projet locale, même si nous considérons qu’elle est moins efficace qu’Asana pour nos activités. Nous aurions pu aider l’entreprise locale à améliorer son produit. C’est là qu’il est important de se questionner : Est-ce un rôle qu’on souhaite jouer ? Sommes-nous prêts à jouer endosser un leadership d’impact sur ce point ?
4. Gestion des GES, champs d’application 1, 2 et 3 : un défi de taille
Jusqu’à quel point sommes-nous en mesure d’évaluer notre production de gaz à effet de serre ? Lors de notre première certification B Corp, le B Lab se basait avant tout sur les ambitions déclarées des entreprises. Désormais, le B Lab exige des mesures à la hauteur de nos ambitions. On ne peut que s’en féliciter. Mais ça reste un défi de taille.
En ce qui concerne les GES de scope 2, nous devions, par exemple, fournir le suivi de notre consommation d’énergie. Ceci peut paraître anodin, mais nous louons nos bureaux dans un édifice où le chauffage est collectif. Que faire lorsque les propriétaires n’ont pas mis en place de système de mesure par bureau, ou qu’ils refusent de communiquer les données ? L’une des solutions proposées par le B Lab est d’établir une estimation de la consommation, à partir des données publiques de production d’énergie fournies par Statistiques Canada. Mais si nous voulons réellement gérer nos GES, il est indispensable d’avoir accès à des données précises, qui nous concernent directement. Si les propriétaires ne donnent pas accès à de telles données, les entreprises souhaitant être certifiées B Corp seront-elles obligées de déménager dans des bureaux plus écoresponsables ? Il nous semble évident, qu’à l’avenir, les propriétaires d’édifices de location de bureaux vont devoir revoir leurs façons de faire : en mesurant désormais la production d’énergie de chacune des entreprises locataires, et en acceptant de leur communiquer les données.
La gestion des GES, notamment de scope 3, pose d’autres enjeux, d’autant plus en période de pandémie. La récupération des matériaux, comme le recyclage des toners d’imprimante en est un bon exemple. Avant la pandémie, nous pouvions mettre en place un système de recyclage. Les achats de toners d’encre étaient faits en interne. Nous pouvions donc sélectionner nos fournisseurs et souscrire à un programme de recyclage. Mais avec le télétravail, non seulement les achats sont décuplés mais il devient très difficile de contrôler les achats par les employé.e.s. Et encore, nous sommes une petite entreprise. Imaginez une entreprise avec des milliers d’employé.e.s.
De même, certaines choses qu’on prenait pour acquises sont remises en cause avec la pandémie, comme le déplacement des employé.e.s en transports en commun (GES de scope 3 également). Alors que tous et toutes se déplaçaient auparavant en vélo ou en transports en commun, nous constatons que de plus en plus de gens se remettent à utiliser leur voiture pour des déplacements quotidiens.
L'ajout des questions sur les bureaux virtuels nécessitent de réfléchir au-delà des frontières de nos bureaux physiques. C'est une bonne chose, mais ça présente toute une série de nouveaux défis à relever.
5. Questionner la diversité des employé.e.s
La diversité des employé.e.s est une question centrale pour un grand nombre d’entreprises. Chez Credo, la diversité de notre équipe est évidemment une grande préoccupation. Mais qu’entend-on par diversité? Parle t-on de l’équilibre - et l’équité - hommes-femmes ? De la place des minorités visibles ? Pour obtenir la certification B Corp, nous avons dû lister les codes postaux de nos employé.e.s. Cet exercice si simple nous a tendu un véritable miroir : bien sûr que nous avons une équipe féminine et masculine, d’origines diverses. Mais qu’en est-il de nos origines sociales ? Force est de constater que toute l’équipe vient d’une catégorie socio-professionnelle élevée. Notre équipe est constituée de consultants et de consultantes, expert.e.s dans leurs domaines respectifs, qui ont un ou plusieurs diplômes universitaires. Peut-on réellement parler de diversité dans ce cas ? Ne fermons-nous pas la porte à l’inclusion d’employé.e.s non diplômé.e.s, mais qui auraient un bagage professionnel et personnel hautement pertinents pour la qualité de nos mandats?
L'idée d'avoir un processus de recrutement à l'aveugle pourrait faire du sens, nous l’avons d’ailleurs testé par le passé. Mais le contexte actuel des firmes-conseil requiert plutôt d’adopter un processus de recrutement du type « chasseur de tête », pour trouver des compétences très spécifiques. Ce qui nous oblige à trouver d'autres façons de réduire les biais inconscients ou à réfléchir à d’autres modes de recrutement. La réflexion est lancée!
Nous sortons de cette aventure de recertification B Corp grandi.e.s et boosté.e.s, avec la volonté de nous améliorer encore plus. Et d’inspirer toutes les entreprises à devenir « a force for good ». Si vous êtes entrepreneur ou entrepreneuse, et que vous souhaitez engager votre entreprise dans une démarche B Corp, nous espérons que ces 5 apprentissages vous auront aidé à nourrir votre réflexion. Si vous souhaitez en discuter, ou nous faire part de vos commentaires, n’hésitez pas à nous contacter en utilisant le formulaire ci-dessous.