Après la COP26, retrouvons notre pouvoir d’agir
La COP26, grand-messe onusienne du climat, est désormais terminée. Hormis les termes du pacte final sur le climat, et malgré le florilège de commentaires et d’analyses publiées depuis, on ne s’entend pas sur les conclusions à tirer et l’opinion générale reste ambivalente. Nous retrouvons donc face au dilemme suivant : le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein?
Il faut se rendre à l’évidence : ces processus et ententes supranationales sont nécessaires pour donner des alignements et une intention globale générale aux actions des États et des acteurs locaux. Il faut aussi admettre que la responsabilité mais, aussi et surtout, la capacité d’agir, se trouvent de moins en moins entre les mains des décideurs publics. En effet, en dehors de l’engagement public à sortir progressivement de l’exploitation des énergies fossiles, l’impact de la COP26 réside dans les plans d’action, accords et ententes sectorielles conclues entre les acteurs privés. C’est ce qui donnera le ton et l’élan pour la suite, et, donc, l’impression que le verre est à moitié plein.
Agir de façon concertée vers le point de bascule
Considérons également le signal fort envoyé par la mobilisation citoyenne autour de la COP26. Cette mobilisation, loin de l’éco-anxiété, témoigne d’une reprise du pouvoir d’agir citoyen, et rappelle que c’est sur le terrain que la lutte climatique se déroule réellement. Tout comme le remarquait dernièrement notre collaboratrice Anne-Laurence Buteau : « il faut une masse critique de citoyen.ne.s ordinaires qui “s’empower” et se fixent des actions réalistes à leur échelle pour faire pression progressivement. » Ces mots reprennent dans les grandes lignes une approche novatrice en innovation sociale, celle du « system change » qui vise la capacitation des réseaux locaux pour comprendre l’architecture des systèmes et agir de façon précise à des points précis d’un système pour le changer progressivement.
Une étude de janvier 2020 paraphrasant cette approche proposait un « effet domino » une fois certains points de bascule atteints, à certains points névralgiques des systèmes. Ainsi, l’idée du changement de système, la transition écologique par exemple, nécessiterait la conscientisation et la réémergence d’une capacité d’action des communautés afin de changer les normes sociales et les façons de faire pour atteindre un seuil d’écoresponsabilité.
Une étude expérimentale de 2018 publiée dans la revue Science avait déterminé l’atteinte de ces points de bascule lorsqu’une minorité engagée sur la voie de la transformation passait le seuil de 25% de la population étudiée. À partir de ce point de bascule, les conventions sociales prenaient soudainement le coup de la minorité, et menaient à un changement dans les habitudes chez les autres participants à l’étude.
Le mot d’ordre à garder de la COP26 devrait donc être de travailler ensemble – dans le public et le privé – pour atteindre ces points de bascule sociaux et rester ainsi alignés sur les trajectoires d’une transition vers des futurs souhaitables pour tous et toutes.
Que peuvent faire les entreprises ?
Les entreprises souhaitant poursuivre l’impulsion de la COP26 ont plusieurs options à leur portée. Lors d’un récent webinaire pour Evol, notre associée Luce Beaulieu donnait des pistes de réflexion aux entreprises pour améliorer leur engagement social et environnemental. Elle proposait, par exemple, de souscrire au cadre de la Science-Based Targets Initiative (SBTI) qui donne aux entreprises une approche par étapes pour mettre en place des actions climatiques effectives.
Elles peuvent aussi, comme le proposait Dan Osusky de B Lab pour Fast Company, mettre du sérieux derrière leurs démarches en favorisant la stratégie d’impact et les mécanismes d’expérimentation et d’imputabilité qui y sont associés. Une telle démarche met à profit la souplesse et l’adaptabilité des entreprises, ainsi que leurs forces créatrices et novatrices. Elle invite à revoir leur modèle d’affaire, leur chaîne de valeur, ou à approfondir leurs pratiques en se soumettant, par exemple, au cadre B Corp. Le tout en s’assurant que les engagements passent à l’action.
Et la philanthropie dans tout ça?
Comme la crise climatique requiert l’action de tous et toutes dans la transformation de nos façons de faire, les philanthropes doivent absolument prendre une position plus catalytique. Cette position, comme le proposait dernièrement Annie Bérubé de la Fondation McConnell dans un article pour PhiLab, nécessite la création de réseaux et l’intensification des relations entre communautés engagées, entreprises sociales, organisateurs citoyens et tous les acteurs qui militent pour des politiques climatiques et des investissements pour la transition aux niveaux local, provincial et national.
Afin de développer cette posture plus catalytique, les acteurs philanthropiques doivent allouer des fonds directement à la résilience des communautés et à la lutte aux changements climatiques. Cette posture pourrait se décliner en support de la mise à l’échelle des solutions mises de l’avant par le Climate Choices Institute, ou en aidant à mettre en œuvre les trajectoires identifiées par le Transition Accelerator ou les Chemins de Transition, ou les expérimentations du Campus de la Transition.
Ce n’est qu’avec les efforts concertés de tous les acteurs et actrices de la société que la transition écologique deviendra réalité. Toutefois, plusieurs communautés sont encore laissées pour compte dans la lutte environnementale. Le racisme et le manque de justice environnementale – récemment décrié pour leurs effets à Montréal par l’organisme Hoodstock – démontrent que des ponts sont toujours à bâtir dans la communauté pour que tous aient un accès équitable à un environnement sécuritaire et sain. Ce n’est qu’en favorisant l’inclusion dans le processus de transition écologique que nous pourrons tous retrouver notre pouvoir d’agir pour donner effet à une transition écologique, juste, et équitable pour tous et toutes.
Texte par Pierre-Alexandre Cardinal, conseiller en intelligence collective chez Credo.